
Tales from Nouvelle-Aquitaine #83
L’automne est le silence qui précède l’hiver.
(L’automne est le silence qui précède l’hiver).
On nous a dit que c’est ce calme et cette tranquillité dans notre coin de France qui ont attiré Jesper et Lianne de Hollande à séjourner dans notre gîte pour une pause bien méritée.
C’était un couple vraiment charmant et nous avons passé quelques soirées très agréables en leur compagnie dans la chaleur du soleil d’automne vers la fin de leur séjour chez nous. C’était triste de les voir partir, car cela signifiait que notre saison d’été prolongée touchait à sa fin.
Cependant, le calendrier de la vie du village semblait s’animer à nouveau.
Le dernier match de pétanque hebdomadaire était une occasion spéciale. Un dîner à l’extérieur avait été organisé une fois toutes les parties jouées pour marquer la fin de la saison de pétanque. Nous apprécions beaucoup la convivialité et tout ce qui accompagne une soirée de jeu de boules. Pour nous, ce n’est pas la victoire qui compte, c’est la participation et l’esprit de communauté qui sont la plus grande récompense. Bien sûr, cela tombe bien, nous n’avons gagné qu’un seul match cette saison ! Nous avons rencontré de grands personnages au club que nous appelons maintenant des amis.
Ce soir-là, nous avons appris que la Brocante du village allait avoir lieu, avec une nouvelle date, le 10 octobre. On nous a demandé si nous voulions donner un coup de main. Quelques jours plus tard, Krysia et moi nous sommes retrouvés à une réunion à la salle des fêtes locale, où les arrangements ont été discutés et où les volontaires ont reçu des tâches à faire le jour même.
Un dimanche matin froid et sombre. Bien emmitouflées, vêtues de vestes fluorescentes et torches à la main, Krysia et moi nous dirigeons au clair de lune vers la mairie à 5h30. Nous avons été surpris de voir que certains exposants étaient déjà installés avant l’aube et buvaient leur café du matin. Nous faisions partie d’un groupe chargé des tâches de stationnement. Krysia distribuait les papiers aux exposants à leur arrivée. Je me suis retrouvé à diriger les voitures, les camionnettes et les remorques pour qu’elles se garent dans l’un des grands champs réservés en bordure du village.
Le soleil s’est levé quelques heures plus tard et avec lui un matin très brumeux. Le bureau de la mairie avait très gentiment préparé du café et des croissants pour nous tous dans l’arrière-salle du bar de Bebert au centre du village. C’était peut-être un début de journée froid mais le moral était au beau fixe car c’était la première Brocante dans le village de Limalonges depuis quelques années.
Krysia et moi avons fait le tour des stands et on nous a dit qu’il y avait plus de deux cent cinquante exposants. Un couple avec qui nous avons parlé était venu de La Rochelle sur la côte et d’autres de plus loin dans le sud. La brume matinale a fait place à un soleil chaud. Nous nous sommes assis à l’extérieur du bar de Bebert avec un café et un cognac pour regarder le monde passer. Quelque chose que nous n’avions pas fait depuis très longtemps. Bientôt, notre table pour deux s’est transformée en une table de six, puis de huit et enfin d’une douzaine d’amis profitant du soleil, alors que les pensées se tournaient vers l’heure du déjeuner. Nous faisions circuler des tranches de saucisses de variétés locales achetées à l’étalage de saucisses voisin et notre ami Claude a mentionné à Pete qu’il avait organisé un vrai déjeuner.
Bébert a préparé à la hâte plus de quarante-six oeufs pour en faire d’énormes omelettes qui seraient bientôt partagées par notre groupe d’environ trente personnes. C’était l’un de ces moments impromptus classiques en France où des amis partagent nourriture, vin et conversation. En fin d’après-midi, tout était terminé. La Brocante avait été un succès total pour le village.
Quelques jours plus tard, Krysia et moi nous sommes retrouvés au service des vendanges. L’événement annuel qui consiste à aider à ramasser la récolte de raisins appartenant à notre cher ami Philippe. Ces raisins allaient devenir du vin Pineau et du Cognac. Nous étions une douzaine de personnes à tailler les vignes et à remplir les seaux de raisin à ras bord. Une fois remplis, nous faisions attention à ne pas faire tomber les précieux fruits lorsque les seaux passaient de main en main et étaient vidés dans la remorque de Philippe. C’était un bel après-midi passé au soleil, l’air rempli de conversations en poitevin lourd, notre riche dialecte rural local, dont je commence maintenant à comprendre quelques mots.
La récolte, après avoir été versée à la pelle dans un énorme tonneau, allait donner sa première “presse” et être étroitement surveillée dans une grande demi-bouteille. Dans une semaine environ, le premier pressage proprement dit aura lieu. Mais tout cela en temps voulu. Jocia avait préparé des snacks pour nous tous et un Philippe a offert un Pineau ou le cidre de cette année qui était vraiment très bon !
Le mois d’octobre semblait passer à toute vitesse et pourtant nous avions la chance de bénéficier d’un temps très chaud et ensoleillé. J’avais marqué le troisième dimanche de ce mois sur le calendrier comme un jour à ne pas manquer. La marche annuelle du souvenir pour commémorer ceux qui ont donné leur vie en tant que membres de la résistance française pendant la guerre. Elle se tenait chaque année à Sauze Vaussais, non loin de là. J’ai envoyé un e-mail à notre ami Claude qui est le président de l’association locale du souvenir de la résistance (ANACR) pour lui demander à quelle heure elle commencerait. Une heure plus tard, on frappait à la porte. Claude avait très gentiment remis une invitation avec tous les détails et j’ai dit que je transmettrais les détails à certains de nos amis anglais qui voulaient y assister.
Nous sommes arrivés sur la place du marché de Sauze Vaussais où beaucoup de gens étaient arrivés tôt. Comme le septième et cinquième anniversaire de la libération de la France n’avait pas pu être commémoré publiquement l’année dernière, il semblait y avoir plus de gens que d’habitude désireux de venir cette année.
J’ai dit bonjour à Claude en le remerciant pour les détails. Il était heureux de me voir et m’a demandé si je pouvais déposer une rose au mémorial, étant donné qu’il n’y avait pas de représentant britannique cette année. J’ai répondu que j’en serais honoré.
Une Citroën traction avant noire, fraîchement cirée et polie, a lentement mené le cortège vers le cimetière, suivie de la fanfare Pompiers et de vingt-quatre porte-drapeaux représentant les groupes de résistance de notre région. Un groupe de dignitaires, dont le maire de Sauze Vaussais, un représentant de la Nouvelle Aquitaine, les responsables de la police et des pompiers, défilaient en tenue d’apparat aux côtés des enfants des écoles et du public.
Nous sommes arrivés au cimetière où des discours ont été prononcés. Un par un, les noms des disparus sont lus à haute voix. À tour de rôle, un petit groupe accompagné d’un porte-drapeau s’est rendu sur chaque tombe. Une couronne a été déposée et le drapeau a été mis en berne. Nous avons tous repris le chemin de la place du marché où des discours ont été prononcés par les dignitaires. Des récits de certains des événements qui se sont déroulés pendant ces années sombres d’oppression ont été lus par des écoliers locaux.
Il était ensuite temps de déposer des fleurs au mémorial. Je pensais qu’on me demanderait de le faire en dernier, étant donné qu’il y avait des personnes bien plus importantes que moi dans l’assistance.
“Il est maintenant temps de déposer des fleurs sur la pierre commémorative” dit Claude.
“Je voudrais tout d’abord appeler mon ami anglais de Limalonges qui va représenter les Britanniques.
J’étais si humble que je ne savais pas si cela allait vraiment arriver.
Krysia m’a gentiment poussé et j’ai fait mon chemin jusqu’à l’avant de l’assemblée. On m’a donné une rose et je l’ai placée dans le vase au pied du mémorial. J’ai fait un pas en arrière et j’ai fait une révérence, puis je me suis tournée et déplacée sur le côté. J’espérais juste avoir montré le bon niveau de respect.
“Attendez un moment, Monsieur”. a dit l’un des officiels, en posant doucement une main sur mon dos. J’ai cru que j’avais commis une sorte de faux-pas impardonnable. Il m’a regardé et a souri tandis que l’hymne national britannique était diffusé par le système de sonorisation. Je me suis tenu aussi droit que possible alors que plus de deux cents personnes me regardaient fixement pendant que l’hymne était joué. Je ne m’y attendais pas du tout, j’avais seulement envoyé un e-mail la veille pour savoir à quelle heure le service commémoratif commencerait.
Je dois dire que ce fut l’un des moments les plus humbles et les plus fiers de ma vie, alors que j’avalais quelque chose de très dur et de déchiqueté dans ma gorge.
Vous savez quoi ? Ils n’avaient pas à faire ça, mais ils l’ont fait. C’est ce que les Français font ici.
Et nous aussi, parce que nous voulons être impliqués dans nos villages et nos communes, nous voulons nous intégrer, nous voulons montrer du respect à nos amis. C’est comme ça que ça marche.
Je n’ai pas eu l’occasion de remercier Claude en personne à la fin, car il était occupé à parler avec les dignitaires et les porte-drapeaux. D’ailleurs, je ne voulais déranger personne. Il y avait un bar ouvert au centre du village et nous avons tous convenu que nous étions heureux d’être venus. Cet après-midi-là, j’ai réalisé l’énormité de ce que j’avais fait. Un simple geste pour déposer une rose en souvenir de ceux qui ont donné leur vie avant notre naissance dans l’espoir que les générations suivantes puissent avoir la chance de vivre librement où elles le souhaitent. Merci à Laura Pete Linda Eldon Stan et Margaret d’être là. Mais surtout, ma chère Krysia, je n’aurais pas pu le faire sans toi.
Une autre année nous a passé ici au Logis De Limalonges. Je me suis retrouvé à célébrer un autre anniversaire. Krysia a passé des heures à préparer tous les délicieux plats pour une soirée. Bebert nous a très gentiment permis d’utiliser l’arrière-salle de son bar pour notre réunion avec nos amis français et anglais du village.
J’ai fait un discours en français et bien que ma grammaire soit loin d’être parfaite, j’ai essayé.
L’un de nos amis français a déclaré qu’il attendait avec impatience ces soirées où Français et Anglais se réunissaient pour célébrer quelque chose. Etant donné les dix-huit derniers mois d’incertitude, je n’aurais pas pu être plus d’accord.
Il a dit “Bien intégré Paul” en levant son verre. “Happy Birthday” a-t-il ajouté en anglais.
Je vais boire à cela.
À la prochaine fois….
à votre très bonne santé !
Paul & Krysia
Le Logis De Limalonges
IN ENGLISH:
L’automne est le silence qui précède l’hiver.
(Autumn is the hush before Winter).
We were told it was this calmness and tranquility in our corner of France that attracted Jesper and Lianne from Holland to stay in our Cottage Gite for a well deserved break.
They were a really charming couple and we spent a couple of very enjoyable evenings in their company in the warmth of the early Autumn sun towards the end of their stay with us. It was sad to see them leave as this meant that our extended Summer season had come to an end.
Though the calendar of village life seemed to be getting busier again.
The last weekly Pétanque match was a special occasion. An outside dinner had been laid on once all the games had been played to mark the end of the Pétanque season. We really enjoy the conviviality and all that goes with an evening playing ‘Les Boules’. To us it isn’t the winning that matters it’s the taking part and being community spirited that is the greatest reward. Of course this is just as well as we have only won one match this season! We have met some great characters at the club that we now call friends.
That evening there was news that the village Brocante would be going ahead after all with a revised date of the 10th of October. We were asked if we would like to help out. A few days later Krysia and I found ourselves at a meeting at the local salle des fêtes where arrangements would be discussed and volunteers given jobs to do on the day.
A cold dark Sunday morning. Wrapped up warm and wearing fluorescent jackets and torches in hand Krysia and I made our way in the moonlight to the Mairie at 05:30. We were surprised to see some stall holders already set up before dawn drinking their morning coffee. We were part of one group dispatched for parking duties. Krysia was handing out paperwork to stall holders on arrival. I found myself directing cars vans and trailers to park up in one of the large fields reserved on the edge of the village.
Sunrise a couple of hours later and with it a very misty morning. The Mairie’s office had very kindly laid on coffee and croissants for us all in the back room at Bebert’s bar in the centre of the village. It may have been a cold start to the day but spirits were high as this was the first village Brocante in Limalonges in a couple of years.
Krysia and I had a look round the stalls and we were told there were over two hundred and fifty stall holders. One couple we spoke with had driven from La Rochelle on the coast and others from further south. The morning mist had given way to warm sunshine. We sat outside Bebert’s bar with a coffee and cognac watching the world go by. Something we felt we hadn’t done in a very long time. Soon our table for two became six then eight then over a dozen friends enjoying the sun as thoughts soon turned to lunchtime. We were passing around slices of local varieties of sausage bought from the nearby sausage stall and our friend Claude mentioned to Pete that he had arranged a proper lunch.
Bebert hastily prepared over forty six eggs to make into huge omelettes that would soon be shared across our group of around thirty. This was one of those classic French impromptu moments of friends sharing food wine and conversation. By late afternoon it was all over. The Brocante had been a complete success for the village.
A few days later Krysia and I found ourselves on Vendage duty. The annual event of helping collect the grape harvest owned by our dear friend Philippe. These grapes would become wine Pineau and Cognac. There were around a dozen of us in all trimming the vines and filling buckets to the brim with grapes. Once full we were careful not to drop any of the precious fruit as the buckets were passed hand to hand and emptied into Philippe’s trailer. It was a lovely afternoon spent in the sunshine the air filled with conversation in heavy Poitevin, our local rich rural dialect; some of which I am now beginning to understand.
The harvest having been shovelled into a huge barrel would yield its first ‘press’ and closely guarded in a large demi-john. In around a week or so the first proper pressing would take place. But all in good time. Jocia had prepared snacks for us all and a Philippe offered Pineau or this years cider which was really very good!
October seemed to be passing by at a rate of knots and still we were lucky to be enjoying very warm sunny weather. I had marked the third Sunday of this month on the calendar as a day we didn’t want to miss. The annual March of remembrance to commemorate those who gave their lives as part of The French resistance during the war. It was held at is every year in nearby Sauze Vaussais. I sent an email to our friend Claude who is the President of the local resistance remembrance group (ANACR) asking him what time it would begin. An hour later there was a knock at the door. Claude had very kindly delivered an invite with all the details on and I said I would pass on the details to some of our English friends who wanted to attend.
We arrived at the market square in Sauze Vaussais where a lot of people had arrived early. As the seventh fifth anniversary of the liberation of France could not be properly remembered publicly last year there seemed to be more people than normal keen to make it along this year.
I said hello to Claude thanking him for the details. He was pleased to see me and said that as there wasn’t a British representative this year would I lay a rose at the memorial. I said I would be honoured.
A freshly waxed and polished black Citroen traction avant slowly led the procession to the cemetery followed by the Pompiers marching band over twenty four flag bearers representing Resistance groups in our area. A group of dignitaries including the Mayour of Sauze Vaussais, a representative of Nouvelle Aquitaine, heads of the police and fire departments marched behind in full regalia alongside relatives school children and the public.
We arrived at the cemetery where speeches were given. One by one each name of the fallen was read aloud. In turn, a small party accompanied by a flag bearer made their way to each grave. A wreath was laid and flag lowered. We all made our way back to the market square where speeches were given by the dignitaries. Accounts of some of the events that took place during those dark years of oppression were read out by local school children.
Then it was time to lay flowers at the memorial. I thought I would be asked last of all given that there were people in attendance way more important than I. Which would of course have been absolutely right and proper.
“Now it is time to lay flowers at the memorial stone” said Claude.
“I would firstly like to call upon my English friend from Limalonges who will be representing the British”.
I was so humbled I wasn’t sure if this was actually happening.
Krysia nudged me gently and I made my way to the front of all assembled. I was given a rose and placed it in the vase at the foot of the memorial. I took a step back and gave a court bow, turned and moved to one side. I just hoped I had shown the right amount of respect.
“Attendez un moment, Monsieur.” Said one of the officials, gently placing a hand on my back. I thought I had committed some unforgivable faux-pas of some kind. He looked at me and smiled as the British National anthem played over the public address system. I stood as tall as I possibly could as over two hundred people stared at me at the anthem played out. I hadn’t expected this at all, I had only sent an email the day before enquiring to what time the service of remembrance would begin.
I must say it was one of the most incredibly humbling and proudest moments of my life as I swallowed something very hard and jagged in my throat.
You know what? They didn’t have to do that, but they did. It’s what the French do here.
And so do we, because we want to be involved in our villages and Communes, we want to integrate, we want to show respect to our friends. That’s how it works.
I didn’t get a chance to thank Claude in person at the end as he was busy talking with the dignitaries and flag bearers. Besides which, I didn’t want to disturb anyone. There was a bar open in the centre of the village and we all agreed we were glad we made it along. That afternoon I realised the enormity of what I had done. A simple token of placing a rose of remembrance to those who gave our lives before we were born in the hope that generations that followed may have the chance of living freely wherever they wanted. Thanks to Laura Pete Linda Eldon Stan and Margaret for being there. Most of all my darling Krysia, I couldn’t have done it without you.
Another year has passed us by here at Le Logis De Limalonges. I found myself celebrating another birthday. Krysia spent hours making all of the lovely food for an evening soirée. Bebert very kindly allowed us the back room of his bar for our gathering with our French and English friends from the village.
I made a speech in French and though my grammar isn’t by any means perfect, I tried.
One of our French friends commented that they had really looked forward to these soirées where French and English would get together and celebrate something. Given the past eighteen months of uncertainty I couldn’t have agreed more.
“Bien intégré Paul” he said raising a glass. “Happy Birthday” he added in English.
I’ll drink to that.
Until next time….
à votre très bonne santé! x 🇫🇷🍷🍷❤🇪🇺
Paul & Kry x
Le Logis De Limalonges